mardi 1 mai 2012

Déglobalisation : la montée du protectionnisme bancaire






On parle plus des dangers du protectionnisme industriel et assez peu de cette force montante qu’est le protectionnisme bancaire. C’est une des grandes tendances de la période à venir comme le soulignait dans son récent Etat de l’Union de l’industrie financière Oliver Wyman : « Financial protectionism and changes in regulators desire for capital and funding in subsidiaries will drive a de-globalisation of markets » (voir post précédent) .
Dans une tribune bien documentée Howard Davies, ancien Chairman du FSA, détaille le phénomène, particulièrement patent en Europe.
 La tendance date de 2008, après la chute de Lehmann Brothers, où il est apparu que même les grandes banques internationales restaient avant tout les banques de leur Etat d’origine, à qui revenait le soin de leur porter secours en cas de difficultés, et qu’à tout prendre il valait mieux être la banque d’un grand Etat plutôt que du Luxembourg, de la Belgique ou de la Suisse. Et on pourrait rajouter aujourd’hui être la banque d’un Etat AAA plutôt que BBB. Howard Davis cite une formule savoureuse de Mervyn King, le Gouverneur de la Banque d’Angleterre : « banks are global in life, but national in death ».
Cette montée du protectionnisme bancaire se traduit par un recul de l’internationalisation des plus grandes banques, y compris des banques très globales comme HSBC ou Citi qui ferment ou vendent des implantations. C’est le repli des banques françaises dans les activités de financements spécialisées (shipping, aircrfaft, export finance…) qu’elles dominaient dans le monde. C’est une tendance générale au repli sur le marché domestique encouragé par le régulateur du pays d’origine devenu peu ouvert aux risques « overseas »..
Les banques internationales sont régulées dans leur pays d’origine par un « home regulateur » -l’ACP en France, le FSA en Grande Bretagne, la Bafin en Allemagne ou la Banque d’Italie en Italie - et des « host regulateurs » dans les autres pays. Ces derniers, les « host regulators », sont devenus beaucoup plus interventionnistes et font pression pour que localement les activités bancaires soient menées à travers des filiales (et non pas des succursales) avec les ratios, le funding et la Gouvernance qui va avec. C’est beaucoup plus couteux et complexe pour les banques et conduit à un fractionnement de la régulation financière et à une augmentation du coût du capital pour les agents économiques. La tentation est même grande pour certains Etats d’élaborer leur propre régulation en ignorant souverainement les règles internationales. C’est le splendide isolement qu’a manifesté le Dodd-Franck Act aux Etats Unis. C’est une tentation qui existe aussi en Europe au Royaume Uni, par exemple, ou en Suisse.
C’est un paradoxe à un moment où nombre de régulations sont élaborées au plan international (Bâle 3, Solvency 2…). Une des solutions en Europe pourrait être de donner plus d’autorité à la nouvelle Autorité Bancaire Européenne (EBA) qui n’en a guère, pour le moment.

La tribune de Howard Davies en lien:
http://www.slate.com/articles/business/project_syndicate/2012/04/why_we_should_be_concerned_that_banks_and_the_financial_markets_are_growing_more_protectionist_.html?wpisrc=twitter_socialflow

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