On parle plus des dangers du protectionnisme industriel et
assez peu de cette force montante qu’est le protectionnisme bancaire. C’est une
des grandes tendances de la période à venir comme le soulignait dans son récent
Etat de l’Union de l’industrie financière Oliver Wyman : « Financial protectionism and changes in
regulators desire for capital and funding in subsidiaries will
drive a de-globalisation of markets » (voir post précédent) .
Dans une tribune bien documentée Howard Davies, ancien
Chairman du FSA, détaille le phénomène, particulièrement patent en Europe.
La tendance date de
2008, après la chute de Lehmann Brothers, où il est apparu que même les grandes
banques internationales restaient avant tout les banques de leur Etat
d’origine, à qui revenait le soin de leur porter secours en cas de difficultés,
et qu’à tout prendre il valait mieux être la banque d’un grand Etat plutôt que du
Luxembourg, de la Belgique ou de la Suisse. Et on pourrait rajouter aujourd’hui
être la banque d’un Etat AAA plutôt que BBB. Howard Davis cite une formule
savoureuse de Mervyn King, le Gouverneur de la Banque d’Angleterre :
« banks are global in life, but national in death ».
Cette montée du protectionnisme bancaire se traduit par un
recul de l’internationalisation des plus grandes banques, y compris des banques
très globales comme HSBC ou Citi qui ferment ou vendent des implantations.
C’est le repli des banques françaises dans les activités de financements
spécialisées (shipping, aircrfaft, export finance…) qu’elles dominaient dans le
monde. C’est une tendance générale au repli sur le marché domestique encouragé
par le régulateur du pays d’origine devenu peu ouvert aux risques « overseas »..
Les banques internationales sont régulées dans leur pays
d’origine par un « home regulateur » -l’ACP en France, le FSA en
Grande Bretagne, la Bafin en Allemagne ou la Banque d’Italie en Italie - et des
« host regulateurs » dans les autres pays. Ces derniers, les
« host regulators », sont devenus beaucoup plus interventionnistes et
font pression pour que localement les activités bancaires soient menées à
travers des filiales (et non pas des succursales) avec les ratios, le funding
et la Gouvernance qui va avec. C’est beaucoup plus couteux et complexe pour les
banques et conduit à un fractionnement de la régulation financière et à une
augmentation du coût du capital pour les agents économiques. La tentation est
même grande pour certains Etats d’élaborer leur propre régulation en ignorant souverainement
les règles internationales. C’est le splendide isolement qu’a manifesté le
Dodd-Franck Act aux Etats Unis. C’est une tentation qui existe aussi en Europe
au Royaume Uni, par exemple, ou en Suisse.
C’est un paradoxe à un moment où nombre de régulations sont
élaborées au plan international (Bâle 3, Solvency 2…). Une des solutions en
Europe pourrait être de donner plus d’autorité à la nouvelle Autorité Bancaire
Européenne (EBA) qui n’en a guère, pour le moment.
La tribune de Howard Davies en lien:
http://www.slate.com/articles/business/project_syndicate/2012/04/why_we_should_be_concerned_that_banks_and_the_financial_markets_are_growing_more_protectionist_.html?wpisrc=twitter_socialflow
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