samedi 31 octobre 2009

BFI:Activités de Marché ne veut pas dire Spéculer!






Un article du Monde daté du 30 octobre en lien (« faut il interdire aux banques de spéculer ? »)fait un état du débat , très animé ,qui agite la City of London et Etats Unis sur le narrow banking ou le retour au Glass Steagall Act, et donne une perspective française.

Mervyn King et Paul Volker ne sont pas vraiment prophètes dans leurs pays car ni l’Administration Obama ,ni le Gouvernement Brown ne sont prêt à envisager de telles extrémités (et les Tories restent prudents sur le sujet).Néanmoins le consensus qui s’est dégagé pour alourdir le capital requis pour les activités de marché(multiplié par trois en moyenne dans le réexamen des règles Bale 2 qui vient d’intervenir) fait ,d’une certaine manière , un pas dans cette direction.
En France ,Christian Noyer, le Gouverneur de La Banque de France s’est également prononcé contre la séparation des activités de Banque de Dépôt et de Banque de Financement et d’Investissement, en soutenant le concept de Banque Universelle (on lira par ailleurs-elle est en lien -une intervention très récente qui donne une vision française de l'avenir de la régulation financière après Pittsburgh).

Le débat ,dans le contexte français, amène à formuler trois types de remarques, familières aux étudiants du Master2 « Banque d’Investissement et de Marché » de Dauphine.

1)La séparation entre Banques Commerciales et Banques d’Investissement ,consacré par le Glass Steagall Act de 1933, a longtemps prévalu aux Etats Unis, mais aussi au UK (séparation entre les Clearing Banks et les Merchant Banks)et dans d’autres pays anglo-saxons et asiatiques (séparation entre Banques et Securities au Japon, en Corée…).Mais elle est étrangère à la tradition de l’Europe Continentale où le concept de Banque Universelle existe depuis longtemps ,incarné notamment par la Deutsche Bank, ABN Amro et les Banques Françaises. Et, il faut le remarquer, le concept s’est maintenant bien acclimaté tant aux Etats Unis (JP Morgan en est une brillante illustration) qu’ au UK (Barclays , HSBC).

2)Il est devenu impossible de séparer les activités de financement « de gros » (« wholesale banking ») et les activités de marchés de capitaux et dérivés destinées aux clients. D’ou l’émergence dans la deuxième partie des années 90 du modèle devenu partout dominant aujourd’hui :la BFI ,la Banque de Financement et d’Investissement .Les activités de financement se sont marchéisées .Ainsi un Corporate qui aura à faire une acquisition complexe ou significative sera amené à arbitrer ou à panacher une financement par émission d’actions ,convertibles , obligations ou produits hybrides, avec un financement syndiqué ,qui fera également office de prêt relai (« bridge loan »),le tout accompagné de couvertures (dérivés) contre les risques de taux d’intérêt, et si besoin est de changes ,de matières premières etc… Ceci mêle indissociablement financements, marchés de capitaux et de dérivés. On est bien loin des métiers très simples que pratiquaient les Banques d’Investissement au temps du Glass Steagall Act :l’émission (« underwritting »)d’actions et d’obligations ,et le M&A qui est arrivé sur le tard ,bien plus tard(dans les années 70).

3) Il est caricatural de vouloir distinguer (et séparer) entre l’activité de Banque de Dépôt (« Utility ») d’un coté et la BFI ,qui serait une activité de Banque « Casino »,de l’autre. En effet ceci ne correspond pas à la réalité des BFI. Cette réalité, quelle est -elle, en prenant l’exemple des quatre BFI Françaises(BNP Paribas , SG , Calyon , Natixis ) ?

-70 à 80% des revenus de ces BFI dérivent des activités clients. Ces clients ne sont pas seulement des Corporate qui représentent 50% des revenus (mais 30% des profits seulement, compte tenu du capital Cooke engagé).L’autre moitié des revenus vient des Institutions Financières (Banques ,Compagnies d’Assurance , Asset Managers ,Hedge Funds ,Banques Privées , Family Offices ,Fonds Souverains),à quoi il faut ajouter également les Entités Publiques (Etats, Régions, Communes…) et les firmes de Private Equity .Ces clients ne sont pas uniquement français car le marché domestique ne représente que 25% environ des revenus clients des BFI.

-Les activités de trading pour compte propre (proprietary trading) représentent chez les BFI Françaises ,qui sont plus « client oriented »que leurs concurrentes, de l’ordre de 20 à 30% des revenus (la distinction entre le trading pour des clients et pour compte propre n’est pas toujours parfaitement nette).C’est cette fraction –minoritaire- de l’activité qui peut être considérée comme plus spéculative. Même si, dans le cas des BFI françaises, elle ne l’est pas trop car les activités de trading pour compte propre qui y sont déployées sont essentiellement des activité « d’Arbitrage »-où le risque est limité-et non pas des prises de positions « Directionnelles » qui sont ,elles, véritablement spéculatives et beaucoup plus contestables.

-Dans le mix-produit des BFI Française ,deux traits les distinguent par rapport à la compétition :1)une composante forte d’activités dans les produits dérivés et donc une proportion importante représentée par les activités des marchés de capitaux 2)et en même temps une teneur en financements de base (« Vanille ») et structurés plus importantes que chez les autres BFI européenne (DB,CS ,UBS ). Ceci conduit les BFI Françaises à avoir les 2/3 de leurs revenus ,en moyenne, en provenance d’activités de marché de capitaux, principalement destinées à leurs clients, et 1/3 venant des activités de financements Vanille ou Structurés.

-Il n’est donc absolument pas fondé ,dans ces conditions,d’assimiler BFI, Activités de Marché et Spéculation.

-Ajoutons que les BFI sont devenus des ingrédients majeurs des Banques françaises dont elle ont été un moteur de développement(et des pourvoyeurs importants de cash flow pour le développement des autres activités) ces 10 dernières années . Elles représentent aujourd’hui autour de 30% de leur capital et de leurs revenus (et un peu plus ou un peu moins du résultat net suivant la phase du cycle).Leur contribution à la « bottom line » avait doublé en 10 ans, passant de 20% de leur résultat net en 1998 à 40% en 2007.Un des mérites du modèle tient aussi aux synergies qui peuvent être développées entre la BFI et la Banque de Réseau(pour servir ses clients entreprises, collectivités publiques et Private Banking ),ainsi que l’Asset Management et les métiers Titres. Ces synergies représentent « normalement » de l’ordre de 15% des revenus de la BFI .

-Soulignons ,pour finir ,que la France est le seul grand pays en Europe à disposer de 4 BFI actives et ayant plutôt bien traversé la crise. Il n’y a pas d’équivalent ni en Allemagne, ni en Italie, ni en Espagne, encore moins au Royaume Uni. C’est un avantage comparatif très appréciable pour les acteurs Français.

Liens:
-Article du Mondes:

-Intervention de Christian Noyer le 26-10-2009 à Singapour:http://www.banque-france.fr/fr/instit/telechar/discours/2009/20091026.pdf

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