Thomson s’est décidé à utiliser la procédure de sauvegarde, instaurée par la loi du 26 juillet 2005, comme un instrument de pression et de négociation avec ses créanciers. Cette procédure avait été, à l’époque, présentée, comme l’adaptation française du chapter eleven américain.
Cette réforme tirait les enseignements des insuffisances des dispositions antérieures révélées, en particulier, lors des grandes restructurations financières des années 2000 (Vivendi, Alstom, Rhodia) qui n’avaient pas pu utiliser le cadre législatif existant, en matière de « procédure collectives », inadapté s’agissant de grandes entreprises, internationale et cotée.
Pour bénéficier du régime de la sauvegarde le débiteur doit justifier « de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter » et il est amené à présenter un plan dit de sauvegarde. Des lors la discussion avec les créanciers se fait avec l’assistance du Tribunal de Commerce .
Cette procédure avait déjà été utilisé pour la restructuration financière d’Eurotunnel, qui a servi de « laboratoire » , et qui a d’ailleurs conduit à des améliorations de la loi de 2005 au travers d’une ordonnance de 2008. C’est dire si la législation dans ce domaine est devenue évolutive au vu de son expérimentation, ce qui est très positif.
Thomson vient de publier sur son site un document très intéressant (voir en lien) qui explicite la procédure et son plan.
Quel était le problème de Thomson ?
Un endettement excessif qui avait l’objet d’un projet de restructuration financière, négocié avec ses créanciers bancaires, qui l’avaient approuvé le 24 juillet 2008 à la majorité requise des 2/3. Mais le projet n’avait pas recueilli l’assentiment des créanciers obligataires qui devaient, quant à eux, l’approuver à l’unanimité et qui ,de surcroît, étaient amené à se prononcer en autant d’assemblée qu’il y avait d’emprunts obligataires.
L’endettement bancaire et obligataire de Thomson est de 2839 M EUR et l’objectif est de le ramener à 1550 M EUR, en le réduisant donc de 1289 M EUR, soit de 45 %. Cette endettement est dit « senior » et ne comprend pas 500 M EUR de titres super subordonnés, assimilés à des fonds propres et subissant le même sort.
Cet endettement senior est constitué de deux éléments :
-un crédit syndiqué de 1750 M EUR contracté avec des banques
-divers emprunts obligataires pour un montant de 1000 M EUR
La procédure de sauvegarde autorise à présent Thomson à faire approuver son plan à la majorité des 2/3 :
-par les créanciers bancaires qui avaient déjà donné leur accord
-et surtout par les créanciers obligataires réunis, de par la loi, en une seule assemblée (et non plus en autant que d’emprunts) et à la majorité des 2/3 des obligataires présents à l’assemblée (et non plus à l’unanimité).
Le plan doit être ensuite adopté par l’assemblée générale des actionnaires.
A défaut d’accord, le plan serait imposé par le Tribunal de Commerce.
On voit donc que cette procédure donne un pouvoir considérable -ce qui est son objectif- à l’entreprise en difficulté dans sa négociation avec les créanciers, négociation qui est à la fois simplifiée et ramassée dans un calendrier contraignant (d'ici la fin février 2010, les diverses assemblées se tenant avant Noël).
Par ailleurs Thomson se plaignait de ne pouvoir bien identifier les porteurs des obligations ,compte tenu des transferts de propriété intervenus lors du dénouement des couvertures CDS (Credit Default Swaps), opéré à la fin Octobre 2009, sous l’égide de l’ISDA (organisme international qui définit les règles de Place concernant les CDS), ce qui est un phénomène nouveau et perturbant qui n’existait pas lors des grandes restructurations financières du début des années 2000. Du fait de la procédure, ces créanciers ont du se faire connaître avant le 4 Décembre 2009.
L’opération de restructuration financière a deux volets :
-« l’élimination » de 1289 M EUR de dette convertie en produits de capital
-un réaménagement et rééchelonnement du reste de la dette (1550 M EUR) à laquelle se substitue un nouveau crédit syndiqué et l’émission d’obligations nouvelles.
La dette « éliminée » (1289 M EUR) est convertie, pour sa part, en trois types de produits de capital :
-une augmentation de capital de Thomson de 348 M EUR avec droit
préférentiel de souscription des actionnaires et qui est garantie par les créanciers
-une émission d’ORA (obligations remboursables en actions Thomson) réservée aux créanciers pour un montant de 641 M EUR et portant un intérêt payable en actions Thomson
-et, trait original, une émission d’obligations, remboursables en espèce ou en actions Thomson, sur les produits de cession des actifs mis à la vente, réservée aux créanciers pour un montant de 300 M EUR, ces titres étant dénommés DPN (Disposal Proceed Notes)
Au terme de ces opérations, les actionnaires actuels de Thomson détiendraient entre 52 et 15 % du capital totalement dilué de la société suivant qu’ils exercent ou non leurs droits préférentiels de souscription. Ce qui revient à dire que les créanciers, pour leur part, détiendraient entre 48 et 85 % du capital.
L’utilisation de la procédure de sauvegarde, qui, dans une certaine mesure (nonobstant le cas particulier d’Eurotunnel), constitue « une première » qui va tester et attester l’efficacité indéniable de l’instrument sur une grande échelle, c'est-à-dire celle d’une grande entreprise très internationale et cotée.
Au delà de cette opération bien menée, il restera à Thomson –devenu Technicolor- de faire la preuve de sa viabilité économique, ce qui est le défi auquel s’est attelé son nouveau Président, Frédéric Rose.
En lien, le Plan présenté par Thomson:
Dépêche sur le plan dans Boursorama:
Article sur le Plan dans le Figaro:
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