jeudi 4 mars 2010

De la spéculation - Réponse à un de nos étudiants

Question d'un de nos étudiants:Peut-on envisager une nouvelle attaque de certains hedge funds contre la livre? Une dépêche aujourd'hui explique que la justice américaine enquête sur des HF (pas des moindres: Soros, Paulson)qui auraient lancé ce type d'attaque sur l'Euro ces derniers mois après réunions entre gérants...M Soros n'en serait pas à son premier coup (livre en 92)...Qu'en pensez-vous prof?Et quels dangers pour les pays concernés victimes de ces manoeuvres?

Voici notre réponse:
Cette question nous donne l’occasion de parler de la spéculation. A chaque crise financière (en 2007, la crise grecque, les monnaies maintenant), on cherche un bouc émissaire, en général « le spéculateur », plus précisément, depuis un certain temps, les hedge funds.

Or le procès n’est guère étayé, et tout particulièrement –ce qui est votre question –dans la crise actuelle des monnaies européennes. En effet nous ne sommes plus au temps où Georges Soros pouvait, par sa seule action, faire chuter la Livre. Aujourd’hui les montants engagés quotidiennement sur les marchés de devises ont explosé et sont sans rapport. Les hedges funds –même coalisés- y sont devenus des nains de faible influence.

Il est étonnant d’ailleurs de vouloir ainsi « diaboliser » la spéculation qui est une composante importante (au demeurant, tout acte d’investissement n’est il pas « spéculatif ?) et essentielle au bon fonctionnement des marchés pour en assurer, ce qui en est un attribut majeur, la liquidité.

Pour en venir au fonds, le Professeur Michel Fleuriet dans son ouvrage sur les banques d’investissement et de marché rappelle l’origine étymologique latine du terme spéculateur. Le spéculator est « l’observateur des phénomènes naturels » ;au pluriel, ce sont « les éclaireurs, ceux qui cherchent à savoir ».On peut également se référer à speculum : « un miroir, une reproduction fidèle, une image ».En fait tout est dit !

Les marchés ne font en réalité que refléter les problèmes fondamentaux qui affectent la Grèce, l’Eurozone ou le Royaume Unis .On sait depuis l’Antiquité que tuer le messager porteur de la mauvaise nouvelle ne règle pas la question.

Sans doute les marchés des changes peuvent ils sur-réagir, ce qui est leur caractéristique depuis très longtemps. Ils sont devenus un thème d’investissement –une classe d’actifs- comme un autre, qui intéressent beaucoup d’investisseurs que l’on a vite fait de transformer – la frontière sémantique est étroite- en vil spéculateurs.

Les hedge funds ont-ils joué la baisse de l’Euro ( qui est plutôt une bonne nouvelle !) ou de la Livre plus que d’autres, ? Pas évident, car c’est un jeu dangereux, d’autant que les Etats, « particulièrement remontés », pourraient en changer les règles en cours de partie, en squeezant ainsi les investisseurs trop imprudents.

D’autre part les grands Hedge funds ne sont certainement pas très tentés de braver les Etats à un moment où se discute à Bruxelles, comme à New York, les réformes de la régulation les concernant.

On a fait référence à un diner où des hedge funds auraient échangé sur les devises et auraient pu décider de se coaliser pour agir. Nous ne croyons guère à une action de concert . Tout d’abord, comme on l’a dit, elle ne serait pas d’un poids suffisant sur ces marchés de devises . D’autre part ces échanges nous paraissent correspondre à une pratique nouvelle, qui n’est pas celle de l’asset management traditionnel, mais qui est l’apanage de la Communauté hedge funds, qui pratique volontiers l’échange d’idées, pour les tester, les conforter, et, éventuellement, en les partageants , aider à leur réalisation. Ces échanges d’idées se font très largement au travers de sites internet privatifs ou même tout à fait publics puisque la blogosphère de Finance aux Etats Unis est très liée à la réflexion de la Communauté hedge funds. C’est une approche intéressante mais qui doit s’attacher,bien entendu, à veiller à ne glisser ni vers le délit d’initiés, ni l’action de concert.

En définitive quelles sont les solutions? La réponse parait être double : 1)pour les Etats , traiter leurs problèmes de fonds et ainsi rassurer les marchés (ainsi que les autres parties prenante) plutôt que de pousser des cris d’orfraie, 2)avancer dans la mise en œuvre de nouvelles régulations financières qui traitent en particulier la question de la transparence des hedge funds vis-à-vis des régulateurs et la réforme des marchés de dérivés, en particulier de CDS (pour en améliorer le fonctionnement, pas pour les tuer !).

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