1.Les CDS, les Credit Default Swap, constituent une des innovations majeures des années 2000,très utiles et qu’il ne faut pas confondre et jeter avec l’eau du bain des CDO qui furent les porteurs des actifs toxiques.
2.Les CDS protègent contre un risque de crédit, le risque de contrepartie (risque de défaut) d’une entreprise, d’une Institution Financière ou d’un Etat. Les CDS peuvent porter aussi sur des indices de crédit.
3.On se reportera à un de nos posts anciens (voir en lien) qui renvoyait à une étude de la BCE qui analysait de manière approfondie le marché des CDS et à une Tribune de Christian Noyer qui plaidait (déjà) pour la création de Chambres de Compensations. C’est un marché utile, car le risque de contrepartie est le risque financier le plus répandu, et le plus important pour les banques par exemple. C’est un marché de gré à gré, car il se prête mal à la standardisation que requièrent les marchés organisés, à la différence des marchés de dérivés d’actions, de taux ou de change. En effet chaque cas est particulier : on se protège contre une contrepartie donnée mais qui présente, en général, un endettement différencié en terme d’instruments, d’échéances, de covenants ou suretés…Les marchés de CDS sont plus ou moins liquides (généralement pas très). Ce marché est le fait d’un petit nombre d’acteurs : petit nombre de market makers, avec des banques structurellement acheteuses de protections et des hedge funds structurellement vendeurs (ce qui montre au passage l’utilité des hedge funds dans le fonctionnement de ce marché). Enfin si le marché des CDS s’est considérablement développé dans les années 2000, il reste petit par rapport aux autres marchés de dérivés, de taux et de change en premier lieu.
4.Les CDS sont devenus des instruments très importants pour les banques dans la gestion de leurs risques et de leur capital. Exemple : une banque ne peut prêter à A plus de 100. A fait une acquisition qui va requérir 200. La banque pourra lui prêter 200 en achetant des CDS pour une contrevaleur de 100, limitant ainsi son engagement effectif en capital à 100.
Grace aux CDS la banque peut donc maintenir une bonne diversification de ses risques ou économiser du capital (ce qui est couvert en CDS ne consommant pas ou peu de capital) tout en mettant 200 à disposition de son client.
La banque –ou l’acheteur de protection de manière générale- ne va pas chercher nécessairement, en achetant des CDS, à se protéger contre un risque avéré de défaillance de sa contrepartie. Cela peut être une manière de diversifier son risque, alors que la contrepartie est de bonne qualité, ou cela peut être un moyen de se prémunir contre le risque de dégradation de son rating, très couteux en capital pour les banques dans la réglementation Bâle2.
5.L’inconvénient de ce marché, à la fois concentré et relativement opaque (même si les transactions sont enregistrées par un organisme américain, le DTCC), est qu’il recèle un risque systémique, mis en exergue lors de la chute de Bear Stearn qui était un gros market maker. D’où les propositions de réformes avancées depuis 18 mois pour en assurer une meilleure sécurité et transparence et qui prévoient d’accroitre la standardisation des contrats et des produits (qui se heurte toutefois à certaines limites s’agissant de CDS) et surtout de faire passer les échanges par des chambres de compensation (organisant un « netting » des engagements et des appels de marge si nécessaire).
6.La crise grecque a été l’occasion de crier haro sur les CDS en dénonçant la spéculation des hedge funds sans d’ailleurs que la preuve en ait été rapportée. Ce qui semble, c’est que les hedge funds , anticipant le risque grec, ont acheté des CDS, à un prix relativement bas, en le revendant ensuite au prix fort, dans le contexte de la crise, à tous ceux qui éprouvaient le besoin de se couvrir, les banques fortement engagée sur la Grèce et tous ceux qui voulaient « mitiger » leur risque.
7.Dans une tribune du FT, qui a eu beaucoup d’écho, Wolfgang Munchäu (voir en lien), a défendu l’idée que l’achat de CDS sur l’Etat grec, par exemple, devait être limité à ceux qui en possédaient les obligations (bonds) et qui voulaient les protéger, à l’exclusion de tout achat à découvert (« naked CDS »).
8.Dans une tribune en réponse (en lien), qui a également eu beaucoup de portée, Félix Salmon, le bloggeur de Reuters, a reproché, à juste titre, à Munchäu de pas avoir bien compris le marché des CDS et le fait que ceux-ci pouvaient être -et étaient- utilisés par des intervenants, qui n’avaient pas nécessairement des obligations de l’Etat grec, mais qui cherchaient -à bon droit- à protéger- via les CDS- des expositions de crédit -de natures diverses- qu’ils avaient sur la Grèce. On a fait aussi remarquer qu’une telle restriction rendrait impossible le market making de CDS, ce qui serait un facteur supplémentaire d’illiquidité , susceptible de générer des évolutions heurtées et des risques de manipulation.
9.La conclusion de tout cela est certainement qu’il faut avancer dans la voie de la réforme des marchés de CDS (standardisation, chambres de compensation) pour en améliorer le fonctionnement mais surtout pas les tuer, compte tenu de leur utilité. La controverse, espérons le, y aidera dans cet esprit.
Le débat:
-"Dérivés de crédit (CDS) et compensation:les vues de Christian Noyer et de la BCE":
http://investmentbankerparis.blogspot.com/2009/10/derives-de-credit-cds-et.html
-"Time to outlaw naked CDS" par Wolfgang Munchäu dans le FT:
http://www.ft.com/cms/s/0/7b56f5b2-24a3-11df-8be0-00144feab49a.html
-La critique de Munchäu par Félix Salmon:
http://blogs.reuters.com/felix-salmon/2010/03/02/cds-demonization-watch-morgensonmunchau-edition/
-Une réaction critique à la critique de Félix Salmon:
http://rajivsethi.blogspot.com/2010/03/defenders-and-demonizers-of-credit.html
-"The benefits of naked CDS" dans FT Alphaville
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