samedi 7 avril 2012

La séparation des activités de banque de détail et de banque d’investissement : Volcker ou Vickers rule ?


C’est un débat qui agite différent pays. Il affleure aussi en France.

En fait personne ne plaide sérieusement en faveur d’une séparation complète, un retour au Glass-Steagall américain qui a fait son temps. Partout, même aux Etats Unis, le modèle de banque universelle s’est imposé définitivement.
On l’a dit et répété, la crise a touché aussi bien des banques purement retail (Northern Rock) ou d’investissement (Lehmann Brothers, Merril Lynch) .En sens inverse les banques qui ont bien résisté relevaient des différents modèles : banques universelles ( JP Morgan, Santander, BNP Paribas…),  pures banques d’investissement (Goldman Sachs, Crédit Suisse…) ou autres. En réalité le critère diférentiant a été la qualité de leur Gouvernance et de leur Risk Management.
Il n’en demeure pas moins que les dysfonctionnements qui ont été constatés nécessité de réformes profondes qui sont l’objet de la re-régulation en cours (Bâle 3 et autres réformes) qui se traduisent par des exigences beaucoup plus forte en capital pour les banques, dont on commence seulement à mesurer les conséquences. Une de ses manifestations spectaculaire est le mouvement en cours de « déleveraging ».
Faut-il aller plus loin ?

Deux approches s’opposent alors : Volker ou Vickers rule.

Aux Etats Unis, sous l’influence de Paul Volcker, la réglementation Dodd – Frank a décrété le bannissement du proprietary trading, le trading pour compte propre des banques, qui avait pris une grande ampleur et qui a pu être considéré comme un des facteurs de la crise du subprime. La règle a le mérite d’être simple a énoncer . La difficulté est que, en pratique, il n’est pas aisé de distinguer dans les activités de trading des banques, ce qui est purement pour compte propre et les activités de market making (teneur de marché) qui servent pour les activités clients. C’est la raison pour laquelle l'application de la Volker rule qui devait s’effectuer, aux Etats Unis, cette année, a été différée.
L’Europe, de son côté, a préférée privilégier une mise en œuvre accélérée de Bâle 3 qui pénalise fortement les activités de marché puisque les exigences en capital pour celles-ci ont été multipliée par 2 ou 3 suivant les cas, réduisant en proportion leur profitabilité.
Le Royaume Uni, dont la gestion de son système bancaire a été particulièrement désastreuse – la pire « à l’indice performance » du monde occidental- a décidé d’adopter pour le futur (pas avant 2019) la solution préconisée par la Commission Vickers. Celle-ci ne remet pas en cause non plus  le modèle de banque universelle mais l’aménage, en isolant (ring fencing) la banque de détail en son sein. Ainsi la banque de détail,  et ses dépôts, serait filialisée et dotée d’une Gouvernance spécifique, avec un « Board » distinct de celui du Groupe Bancaire et composé majoritairement d’administrateurs indépendants. La banque de détail ferait l’objet  de ratios de capital et d’une régulation spécifiques.
Quid des banques francaises ?
Elles sont déjà soumises à une forte pression des nouveaux ratios bancaires, compte tenu de leur business model (activités de marchés très développées), comme en témoigne l’ampleur du deleveraging auquel elles doivent procéder, avec les conséquences préjudiciables  qui en résulteront pour l’économie réelle .
La piste Vickers parait devoir être en tout état de cause écartée du fait de l’importance  et des particularités du secteur mutualiste (Crédit Agricole, BPCE, Crédit Mutuel) dans lequel ce sont les banques de détail qui détiennent la banque d’investissement.
En conséquence, si une piste devait être privilégiée, certaines voix influentes plaident dans ce sens,  ce serait plutôt celle de la Volcker rule, avec les problèmes de mise en œuvre qui ont été bien en évidence aux Etats Unis.
Il nous semblerait plus raisonnable de mettre l’accent sur la qualité de la Gouvernance et du risk management des banques: Administrateurs qualifiés, Comités des risques distincts du Comité des risques au sein du Conseil d’ Administration, dissociation des fonctions de Président (Chairman) et de Directeur Général (CEO)…C’était le grand thème d’un remarquable rapport de la Commission Walker au Royaume Uni (cf un post passé de ce blog). Cela a été le maillon faible qui a expliqué la plupart des défaillances bancaires (Lehmann, Merrill Lynch, UBS, RBS, Fortis…) caractérisées par un  CEO omnipotent flanqué d'un Conseil d'Administration impotent. Etrangement, la « Walker rule », est la grande oubliée des débats en cours.

9 commentaires:

  1. Vous posez mal le débat. C'est la combinaison des activités spéculatives au sein d'une banque de dépôts qui est à la racine du "too big to fail". Les 5 grandes banques françaises font partie des "too big to fail", de la liste des 29 SiFis mondiales, soit une proportion anormalement élevée par rapport au poids de la France dans l'économie mondiale. Sans le soutien de l'Etat français en octobre 2008, sous la forme de €40mds d'hybrides et de €320mds de garanties de leurs emprunts obligataires, les banques françaises tombaient, elles aussi, en faillite à ce moment-là car la liquidité était (et demeure) leur talon d'Achille (comme à nouveau démontré à l'été 2011, le "sauvetage" ayant été cette fois-ci effectué par les deux LTROs de la BCE et non plus l'Etat français, en situation proche du surendettement à la suite de la première crise de 2008 d'origine bancaire). Le mélange des genres, -- sans oublier les conflits d'intérêts qu'ils contiennent vis-à-vis des clients entreprises --, est la cause de la transformation excessive (en plus de l'insuffisance structurelle des dépôts des banques françaises par rapport aux crédits qu'elles consentent, ces dernières doivent aller en plus sur les marchés interbancaire et "wholesale" de quoi financer leurs portefeuilles de trading hypertrophiés) Seule la scission pure et simple peut contribuer à résoudre ce problème de "too big to fail".

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  2. Qu'appellez vous activités spéculatives? La banque dite "casino" ne représente qu'une partie des activités de la banque d'investissement.
    Aujourdhui les entreprises ont besoin à la fois de la banque de financement et de la banque de marchés (émissions diverses, couverure des differnts risques financiers que procure les marchés dérivés).C'est la raison pour laquelle une scission de type Glass-Steagall Act n'est envisagée nulle part dans le monde.Lisez le rapport Vickers qui explique bien pourquoi et qui en tiré les conclusions qui font la Vickers rule.
    les banques francaises ont toujours des banques universelles et elles ont plutôt bien traversé la crise. Ne pensez vous pas par que des banques fortes et internationales est un avantage comparatif pour l'économie et les entreprises françaises?

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  3. Les banques françaises ne sont des banques "universelles" que depuis les lois Debré (1966) et Bérégovoy (1984). Les banques américaines ont été sous le Glass-Steagall Act de 1934 à 1999. Les activités "spéculatives" des banques sont TOUTES les activités de trading qui ne sont pas soldées "en fin de journée" (avoir un livre "flat"). La Value at Risk est un instrument inadéquat de gestion des risques de marché, donc croire qu'on peut circonscrire les risques des positions conservées grâce à ce type d'outil est une fallacie dangereuse pour la collectivité (relisez Nassim Taleb). Le Glass Steagall act n'est pas aujourd'hui considéré aux Etats-Unis, non pas parce que c'est un sujet "complexe" (il était en place jusqu'en 1999), mais parce que le lobby bancaire ne veut pas en entendre parler. Pour les banques françaises qui ont "plutôt bien" traversé la crise, le "plutôt bien" n'est pas suffisant quand on regarde les externalités négatives de cette crise d'origine bancaire: explosion des dettes publiques et du chômage. le "plutôt bien" résister à un tsunami en matière nucléaire au Japon, "ça ne va pas le faire". La banque est un sujet beaucoup trop important pour qu'on laisse perdurer ces prises de risque asymétriques ("pile, je gagne, face tu perds..."). Dans les dérivés (un monde que je connais bien pour avoir fait partie des premiers pionniers parisiens de cet univers il y a près d'une trentaine d'années), la plupart n'ont pas d'utilité économique réelle, et encore moins sociétale (quelle est, par exemple, l'utilité de certains montages structurés en dérivés actions, uniquement destinés à "garantir" le gain sur des stock-options de dirigeants d'entreprises?). Les banques françaises continuent certaines activités "casino" malgré leurs déclarations publiques sur l'arrêt du trading propriétaire: vous le savez, je le sais et ceux qui sont en salle aussi. Les actionnaires des banques ont été massacrés depuis le début de la crise, ce que continuent à refléter des Price-to-book inférieur à la moitié des capitaux propres. Les entreprises peuvent très bien d'un côté utiliser telle ou telle banque de financement et une banque séparée en matière de marchés pour avoir ses besoins remplis. Ne pas confondre ce qu'est une banque "forte": ça n'est pas celle qui est "too big to fail" (qui vit au dépens de la collectivité). Une banque "forte", c'est une banque qui ne s'affaiblit pas via des activités spéculatives sous couvert de la caution implicite de l'Etat. Une banque "forte", c'est une banque qui travaille dans l'intérêt de ses clients entreprises, sans conflit d'intérêts envers eux et sans risquer de les soumettre à un resserrement du crédit parce qu'elle est prise dans une crise de liquidités qu'elle aurait pu s'éviter sans activités de marchés disproportionnées. Non, les banques françaises ne sont plus AUJOURD'HUI un avantage "comparatif" pour nos entreprises: elles sont mêmes devenues un boulet, forcées de "maigrir" dans l'urgence.

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  4. Les grandes banques françaises se sont constituées à leur création, dans la deuxième partie du XIXème siècle, comme des banques universelles, en suivant l’exemple de la Société Générale de Belgique, qui fut la pionnière du genre en Europe continentale, et ce à l’instar de la Deutsche Bank ou du Crédit Suisse de l’époque ? C’était un modèle à l’opposé du système britannique qui lui était spécialisé (Clearing, Merchant et Overseas banks).
    C’est donc une histoire qui vient de loin. Les banques françaises ont été pendant très longtemps des banques d’entreprises et de grandes entreprises. Ces dernières relevaient de ce que l’on appelait « la Haute Banque », la partie considérée comme la plus noble dans la banque. Ce n’est que relativement récemment que s’est opéré le tournant retail, dans les années 80. Les banques dites d’affaires (Suez, Paribas) avait pour principal particularisme, au-delà des étiquettes, leur portefeuille de participations industrielles. Aujourd’hui le modèle de banque universelle doit évoluer vers un modèle de banque multi spécialiste comme l’a très bien souligné Georges Pauget dans la mesure où les nécessités de taille et de capital ne permette à personne de faire de tout.
    Les BFI quand elles ont été constituées, au milieu des années 90, ont regroupé des éléments qui, pour l’essentiel, existaient depuis longtemps : Direction Internationale, DGE, services d’émissions actions et obligations, trésorerie-change, financements structurés. L’élément vraiment nouveau a été les activités de marchés dérivés qui se sont développées dans les années 90 et ont explosées dans les années 2000.
    Le Glass Steagall américain est une autre histoire. Il a été instauré pour de plus ou moins bonnes raisons après la crise de 1929 dans un monde bancaire qui n’a plus rien à voir avec celui d’aujourd’hui et qui a disparu à tout jamais. Les banques d’investissement étaient des « boutiques » locales, des partnership qui dirigeaient des émissions d’actions ou d’obligations (Morgan Stanley, Lehmann) ou qui faisaient du Brokerage (Merrill), ce qui exigeait peu ou pas de capital. Le monde a changé quand sont apparus les activités de trading dans les années 70 et puis avec le phénomène d’internationalisation dans les années 80. La taille et le capital requis ont été fatals à ces partnership qui se sont introduit en bourse pour devenir de très grosses firmes ou se sont vendus. Les Merchant banks britanniques ont connu le même destin. Le Glass Steagall quand il a été aboli formellement en 1999 pour permettre la fusion de Citi et de Travellers avait en fait craqué de toutes parts depuis longtemps car les exemptions s’étaient multipliées depuis le début des années 80 pour permettre aux grandes banques commerciales américaines d’accéder à ces activités. Il n’en demeure pas moins que le Glass Steagall Act a été une formidable rente de situation, pendant longtemps, pour les banques d’investissement américaines qui ont été ainsi protégées de la concurrence des banques commerciales. Ceci à aider à constituer cet oligopole qui domine toujours le marché américain et qui n’a pas d’équivalent ailleurs.

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  5. Dans la Finance moderne, qu’on le veuille ou non, le service des grands clients (Corporates et autres) requiert une approche intégrée de la banque de financement et de marché, des effets de taille et des capitaux importants. Il n’y a pas d’autres modèles qui existent aujourd’hui dans le monde. Si des boutiques se sont développées –et il y’en a eu toujours aux Etats Unis- c’est dans le domaine de l’advisory et de métiers ne nécessitant pas beaucoup de capital. Des acteurs puissants comme des Hedge Funds (Citadel) ou des Financial Sponsors (KKR, Blackstone) ont essayé de rentrer sur le marché de la banque d’investissement et de marché et cela n’a pas marché du tout.
    Tout cela ne signifie pas le statut quo. Sous l’effet du nouveau contexte économique, de la rerégulation et de l’évolution des marchés le business model des BFI –et donc de la banque plus généralement- va devoir changer radicalement. Les données du problème étaient visibles dès la crise du subprime mais il a fallu un certain temps aux banques pour en tirer les conséquences. Mais le mouvement est irréversiblement en cours. Toutes les banques y sont confrontées mais les banques françaises, sans doute plus que d’autres, en raison de ce qui a fait leur succès et qui aujourd hui se retourne : leverage élevé, hyper développement des activités de marchés, activités de marché sophistiquées, fort besoins en USD.
    Le contexte réglementaire change fortement sous l’effet de règles qui sont aujourd’hui internationales (Bâle 3 et autres) et qui en même tendance à se renationaliser (Dodd Frank, Vickers...). Diverses options sont possibles. La scission pure et simple ne nous parait pas en être une.

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  6. Les entreprises américaines, l'économie américaine dans son ensemble, n'ont eu aucun problème de financement, de développement ou de croissance, sous l'ère du Glass Steagall (1934-1999), au contraire... Vous oubliez dans vos exemples de parler de Lazard Frères et de Rothschild qui ne semblent pas non plus avoir eu besoin de "mélanger" les genres pour réussir... M. Pauget n'est pas pour moi une bonne "référence" en matière de gouvernance bancaire: il est l'artisan à la fois des dérives de Calyon (il est à l'origine du recrutement du responsable du "trop loin, trop vite, trop fort", lui-même issu de votre ancien employeur SG) et des déboires de CASA à l'international (Emporiki, Bankinter, BES, etc.). Donc, ça n'est pas lui que j'écoute en premier sur ces sujets. Je vous incite à aller voir les documents (pdf et vidéos) de la conférence "Addressing fragility and effectiveness of the financial system" -- ici: http://www.finance-watch.org/conference-programme/ -- organisée à Bruxelles le 27 mars dernier. Sur la scission pure et simple, "let's say that we agree to disagree". Vous militez contre, je milite pour.

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  7. Je n’ai pas évoqué Rothschild ou Lazard parce que ce sont des niches players focalisés sur le métier d’Advisory et qui ne sont pas des joueurs de la banque de financement ou de marché. C’est à ce type d’acteurs que je faisais référence en parlant des « boutiques » qui ont en effet connu un regain de faveur ces dernières années parce qu’elles ont une place durable et qu’elles répondent aussi , comme vous le dites, à des situations sujettes à conflits d’intérêt. Une des plus belles réussites en la matière est Evercore aux Etats Unis qui a seulement une petite dizaine d’année d’existence.
    Merci en tous cas pour votre contribution.

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  8. Vrai sujet mais approche insuffisante il me semble, je rejoins "Anonyme" mais aussi l'unique prix Nobel d'économie Français, Maurice Allais qui préconisait une séparation des activités.
    Le problème est relativement simple tel que démontré par des professeurs de Stanford:
    http://www.bankofengland.co.uk/publications/events/ccbs_workshop2011/presentation_admati.pdf

    Le "pile je gagne, face tu perds", est lié à une raison relativement simple, la faiblesse de l'equity buffer dans les banques. Pour favoriser le leverage et "booster" le ROE, les banques favrorisent l'émission de dette et réchignent très clairement à avoir un "equity buffer" plus large comme démontré par la présentation faite à la BOE par Admati et consors.
    Enfin pour éviter toute suspicion quant à la liquidité des banques, même si BASEL III et CRD4 préconise la publication du LCR (Liquidity Coverage Ratio) dès 2015, beaucoup d'établissements rechignent à publier ce chiffre, on a bien vu le problème en 2011.

    Le support direct ou indirect des banques centrales ne fait finalement que maintenir un leverage alors que le fonds du problème est liè à un manque d'"equity".

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