Nous reprenons ici l'analyse qui, dans cet échange très intéressant, nous conduit à considérer, pour notre part, qu'il existe plusieurs options mais que la scission n'en est pas une.
"Les grandes banques françaises se sont constituées à leur création, dans la deuxième partie du XIXème siècle, comme des banques universelles, en suivant l’exemple de la Société Générale de Belgique, qui fut la pionnière du genre en Europe continentale, et ce à l’instar de la Deutsche Bank ou du Crédit Suisse à l’époque . C’était un modèle à l’opposé du système britannique qui lui était spécialisé (Clearing, Merchant et Overseas banks).
C’est donc une histoire qui vient de loin. Les banques françaises ont été pendant très longtemps des banques d’entreprises et de grandes entreprises. Ces dernières relevaient de ce que l’on appelait « la Haute Banque », la partie considérée comme la plus noble dans la banque. Ce n’est que relativement récemment que s’est opéré le tournant « retail », dans les années 80. Les banques dites d’affaires (Suez, Paribas) avait pour principal particularisme, au-delà des étiquettes, leur portefeuille de participations industrielles. Aujourd’hui le modèle de banque universelle doit évoluer vers un modèle de banque multi spécialiste comme l’a très bien souligné Georges Pauget dans la mesure où les nécessités de taille et de capital ne permettent à personne de faire de tout.
Les BFI quand elles ont été constituées, au milieu des années 90 dans les banques françaises, ont regroupé des éléments qui, pour l’essentiel, existaient depuis longtemps : Direction Internationale, DGE, services d’émissions actions et obligations, trésorerie-change, financements structurés. L’élément vraiment nouveau a été les activités de marchés dérivés qui se sont développées dans les années 90 et ont explosées dans les années 2000.
Le Glass Steagall américain est une autre histoire. Il a été instauré pour de plus ou moins bonnes raisons après la crise de 1929 dans un monde bancaire qui n’a plus rien à voir avec celui d’aujourd’hui et qui a disparu à tout jamais. Les banques d’investissement étaient des «boutiques» locales, des partnership qui dirigeaient des émissions d’actions ou d’obligations (Morgan Stanley, Lehmann) ou qui faisaient du brokerage (Merrill), ce qui exigeait peu ou pas de capital. Le monde a changé quand sont apparus les activités de trading liées à l’essor des marchés dérivés, dans les années 70, et puis avec le phénomène d’internationalisation dans les années 80. La taille et le capital requis ont été fatals à ces partnership qui se sont introduit en bourse pour devenir de très grosses firmes ou se sont vendus. Les Merchant banks britanniques ont connu le même destin.
Le Glass Steagall quand il a été aboli formellement en 1999, pour permettre la fusion de Citi et de Travellers, avait en fait craqué de toutes parts depuis longtemps car les « exemptions » s’étaient multipliées depuis le début des années 80 pour permettre aux grandes banques commerciales américaines d’accéder à ces activités. Il n’en demeure pas moins que le Glass Steagall Act a été une formidable rente de situation, pendant longtemps, pour les banques d’investissement américaines qui ont été ainsi protégées de la concurrence des banques commerciales. Ceci à aider à constituer cet oligopole qui domine toujours le marché américain et qui n’a pas d’équivalent ailleurs.
Dans la Finance moderne, qu’on le veuille ou non, le service des grands clients (Corporates et autres) requiert une approche intégrée, une offre de banque de financement et une offre de banque de marché, des effets de taille et des capitaux importants. Il n’y a pas d’autres modèles qui existent aujourd’hui dans le monde. Si des boutiques se sont développées –et il y’en a toujours eu aux Etats Unis et en France où elles sont très bien représentées avec Lazard et Rothschild- c’est dans le domaine de l’advisory et de métiers ne nécessitant pas beaucoup de capital. Des acteurs puissants comme des Hedge Funds (Citadel) ou des Financial Sponsors (KKR, Blackstone) ont pourtant essayé de rentrer sur le marché de la banque d’investissement et de marché et cela n’a pas marché du tout.
Tout cela ne justifie pas pour autant le status quo. Sous l’effet du nouveau contexte économique, de la rerégulation et de l’évolution des marchés, le business model des BFI –et donc de la banque plus généralement- va devoir changer radicalement. Les données du problème étaient visibles dès la crise du subprime mais il a fallu un certain temps aux banques pour en tirer les conséquences. Ce mouvement est irréversiblement en cours. Toutes les banques y sont confrontées, mais les banques françaises sans doute plus que d’autres, en raison de ce qui a fait leur succès et qui aujourd’hui se retourne : leverage élevé, hyper développement des activités de marchés, activités de marché sophistiquées, fort besoins en USD.
Le contexte réglementaire change fortement sous l’effet de règles qui sont aujourd’hui internationales (Bâle 3 et autres) et qui en même ont tendance à se renationaliser (Dodd-Frank, Vickers...). Diverses options sont possibles. La scission pure et simple ne nous parait pas en être une."Voir le post et ses commentaires:
http://investmentbankerparis.blogspot.fr/2012/04/la-separation-des-activites-de-banques.html
http://investmentbankerparis.blogspot.fr/2012/04/la-separation-des-activites-de-banques.html
Technique un peu particulière que d'avoir remis le post initial et mes commentaires ("Anonyme") dans l'arrière-boutique de votre blog... Je ne vais pas reprendre mes arguments déjà développés précédemment. Juste deux remarques cette fois-ci:
RépondreSupprimer1/ votre point de vue "historique" sur l'universalisme des banques françaises qui remonterait à la nuit des temps omet de souligner que jusqu'en 1966, il y avait une séparation totale entre banque de dépôt et banque d'affaires (décloisonnement). Puis vint la loi Bérégovoy de 1984, qui dérégula et déspécialisa les banques françaises ouvrant de facto le mélange des genres. Mais celui-ci n'est entré en pratique qu'à l'issue d'une vague de fus-acqs à partir du milieu des années 90 en France: CASA rachetant Indosuez en 1996, BNP rachetant Paribas en 1999, SG se lançant à corps éperdu dans la fuite en avant des activités de marchés en equity derivative à la suite des deux tentatives d'OPA (d'abord sous Bérégovoy avec le "grand" frère Georges Pébereau, puis par le "petit" frère Michel Pébereau en 99), pour finir avec la monstruosité de 2006 (rachat de CDC-Ixis par NatExis). Bref, comme aux Etats-Unis, la banque universelle, ça n'est pas depuis Mathusalem mais depuis le milieu/fin des années 90: une toute petite quinzaine d'années... et il aura suffi de moins d'une décennie pour que l'absence de séparation se solde à partir de 2007 dans la plus grande crise financière depuis 1929 qui engendrera, au final, plus d'une décennie de perdue: explosion des dettes publiques et du chômage. Et tout cela soi-disant parce que cela serait plus pratique pour les grandes entreprises d'avoir banque de marchés et banque de financement "sous le même toit"? Pour un Total ou un Vivendi, passer deux coups de fils (l'un à son banquier commercial et l'autre à son banquier d'affaires) au lieu d'un pour obtenir du financement, serait-ce insurmontable et un désavantage comcurrentiel? Laissez-moi esquisser un sourire. Sans non plus jamais oublier la question centrale du "conflit d'intérêts" qu'on oublie trop vite (ex. le banquier qui dirige un emprunt obligataire pour pouvoir rembourser ses prêts chancelants... ne me dîtes pas que ça ne peut pas exister chez nous. Remeber Eurodisney ou Eurotunnel?)
2/ Le fond du problème est à chercher dans une analyse objective de toutes les parties prenantes. Ma conclusion personnelle, c'est que le Glass-Steagall est finalement dans l'intérêt de toutes les parties prenantes, sauf de quelques dirigeants bancaires et "tradeurs".
C'est un fait que les grandes banques francaises ont été dès l'origine des banques d'entreprises qui faisaient des emissions d'actions et d'obligations, c'est à dire qu'elles pratiquaient ce qui étaient alors les métiers "d'investment banking". C'est le cas de la plupart des grandes banques d'Europe continentale à la différence des britanniques où l'on distingue Clearing Banks et Merchant Banks.
RépondreSupprimerLe grand tournant de ces activités s'opère assez tardivement à partir des années 1970 avec l'essor des activités de marché largement lièes au développement des marchés dérivés.
En France c'est plutôt dans les années 80 et cela coincide, vous avez tout à fait raison, avec le mouvement de "décloisenement et déregulation". On notera que le virage des banques françaises vers "retail" et date des années 80 avec comme précurseurs le Crédit Agricole et la Société Générale sous la houlette de Jacques Mayoux (qui avait ses premières armes au Crédit Agricole).
S'agissant des Banques d'Affaires à la Francaise et à la "séparation", je crains que vous fassiez une confusion. Elles n'avaient rien à voir avec l'investment banking. La banque d'Affaires en France consistait à prendre des participations industrielles. C'est la raison pour laquelle cette activité était séparée. Ainsi cette activité était menée dans la Compagbie Financière de Suez ou de Paribas et distinctes des bnaques Paribas ou Indosuez qui faisaient les mêmes métiers que la BNP, le Crédit Lyonnais ou la Société Générale.
S'agissant des Banques de Financement et d'investissement, regardez les enquêtes faites auprès de leurs clients corporates : ceux ci se déclarent plus que jamais, après la crise, attachés à une relation globale financement et marchés avec leurs grandes banques. Voyez par exemple les différentes enqu^tes realisées auprès des corporates français par Bfinance. C'est un fait aussi...tétu.
Ni la banque Paribas, ni Indosuez n'étaient des banques "retail" (une trentaine de succursales en France pour la Banque de Paris et des Pays-Bas à l'époque? encore moins pour Indo?). Et c'est pour leurs expertises en banque d'affaires et banque de marché qu'elles ont été rachetées par respectivement BNP et Crédit Agricole, aucune des deux ne brillant particulièrement dans les activités de marché à l'époque alors que, par exemple, Paribas Capital Markets était un acteur majeur à Londres (Eurobonds et dérivés). Seuls quelques grands corporates peuvent éventuellement être attachés à une "relation globale", pas le tissu des PME. Mais quel serait le problème pour un France Télécom s'il devait d'abord appeler son relationship manager chez BNP pour le financement intermédié au bilan de BNP et son senior banker chez disons Paribas post-scission pour un emprunt obligataire désintermédié? Pourquoi encore une fois présenter des intérêts catégoriels comme étant dans l'intérêt général? Si la scission contribue à résoudre le problème du "too big to fail", et bien, le trésorier de Renault devra se plier à passer deux coups de fil au lieu d'un... et il n'y aura pas mort d'homme.
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RépondreSupprimerVous avez votre opinion et je la respecte. Mais vous utilisez des références historiques qui me semble de nouveau contestables. La séparation des activités de banques d'affaires à la Francaise, c'est à dire de prise de participations, concernaient les Compagnies Financières et non pas les banques qui faisaient les mêmes métiers de banque d'entreprises que BNP et Soc Gen. Pas Crédit Agricole qui est historiquement un autre type de banque, plus retail. C'est la raison pour laquelle Crédit Agricole a acquis, ce qui fut un mouvement pas tès heureux, la banque Indosuez qui fut une très belle banque. Pour sa part BNP n'a certaiment pas acheté Paribas pour sa banque. Ce que visait BNP c'était la Société Générale dans la bataille bataille bancaire de 1999. Ce qui l'interessait dans Paribas, c'était son joyau la Compagnie Bancaire, ce qui avait aussi intéréssé la Soc Gen, et certainement pas sa banque d'investissement. Pour la Soc Gen c'était encore pire les deux banques d'investissement étaient très largement redondantes.
RépondreSupprimerNous n'avons pas les mêmes sources ni la même mémoire historique:Michel Pébereau avait "toppé" avec André Lévy-Lang, et n'a pas supporté que ce dernier aille ensuite "topper" avec Daniel Bouton dans son dos. M. Pébereau ne visait pas à l'époque la SG en tant que telle, car les doublons avec BNP étaient trop forts et la casse sociale eut été insupportable pour le politique, mais c'était une façon de contrer l'alliance dans son dos entre Bouton et Lévy-Lang. Il voulait Paribas, comme il avait voulu la T.G.F. en 1995 (BNP+UAP+Suez), créer une banque universelle retail+assurance+investment banking. Quant le projet TGF a été enterré grâce au torpillage du sieur Minc, il s'est rabattu sur Paribas, affaibli depuis la contre-torpille Navigation Mixte/Paribas dont elle ne s'était jamais remise.
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