dimanche 23 janvier 2011

La saison des bonus

C’est un débat désormais récurrent, qui resurgit comme un «marronnier» à l’approche du "B Day", la période d’annonce des bonus.

C’est un sujet médiatique mais, qui est aussi névralgique pour les banques d’investissement, dans la mesure où les rémunérations constituent l’essentiel de leurs coûts et le nerf de la guerre.

Nous avions défini une « loi des 2/3 », qui régit l’économie de la banque d’investissement : les bonus représentent les 2/3 du total des rémunérations (« total compensation »), qui elles-mêmes représentent les 2/3 des coûts des banques d’investissement, qui à leur tour représentent les 2/3 des revenus (« cost to income ratio »).

En Europe, les bonus vont être aussi, pour la première fois, régis par les nouvelles règles adoptées par l’Union Europe, qui vont s’appliquer dans les 27 pays membres. La réglementation européenne prévoit ainsi que 40 à 60% des bonus doivent être versés de manière différée, sur une période de 3 à 5 ans, avec un mécanisme de reprise éventuelle («claw back»), en cas de contre-performance ultérieure. La moitié au moins de ces bonus doit être payé en actions ou en instruments assimilés. L’objectif est de mieux « aligner » la rémunération sur les intérêts et une gestion des risques de l’entreprise à moyen terme. La directive européenne prévoit également, comme le souligne l’excellent article de Eric Benhamou dans la Tribune du 19 Janvier (« Les bonus ont encore de beaux jours devant eux »), que les régulateurs ont aussi leur mot à dire sur la structure des rémunérations, si celle-ci leur apparait contraire à une bonne gestion des risques.

La France avait, on le sait, très largement anticipé cette directive en définissant et mettant en œuvre un code des «rémunérations des "opérateurs de marché", qui s’est appliqué aux bonus de 2009 versés au printemps 2010. Justement Michel Camdessus, qui s’était vu assigné une mission de contrôle, en la matière, vient de publier son rapport sur le «contrôle des rémunérations des professionnels de marché», que l’on trouvera en lien.
On pourra le lire avec profit à plusieurs titres :
-il décrit la mécanique complexe, et opaque vis-à-vis de l’extérieur, de la détermination et attribution des enveloppes de bonus
-il fait le bilan de la mise en œuvre du code de conduite sur les rémunérations et formule des suggestions pour la suite.

Le rapport Camdessus s’interroge aussi sur les raisons qui font que les rémunérations de marché sont aussi élevées. A cela, à n’en pas douter, deux raisons, en particulier. Tout d’abord les surprofits de la Finance puisque, en tout état de cause, l’ensemble des rémunérations de la banque d’investissement doivent être contenues dans une enveloppe et un ratio, le «compensation ratio », qui tourne autour de 40% des revenus. Ensuite, la concurrence et le rapport de force dont jouissent les traders vis-à-vis de leurs employeurs. C’est ce qui avait amené Michel Pébereau, en guise de boutade, à définir désormais la banque d’investissement comme «l’exploitation du capital par le travail».

Cette concurrence amène à rappeler, dans une industrie aussi globale, la nécessité de règles qui soient similaires dans les différents centres financiers dans le monde, ce qui n’est pas encore franchement le cas, l’union Européenne étant nettement plus « dirigiste » que les Etats Unis, sans parler de l’Asie.

-Le rapport Camdessus:
http://asset.rue89.com/files/2010-183.Rapport_Camdessus.pdf

-un de nos posts anciens, "bonus, pourquoi tant de haine?", sur l'économie des bonus:
http://investmentbankerparis.blogspot.com/2009/11/bonuspourquoi-tant-de-haine.html

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