La crise du subprime a été aussi une crise de l’éthique et de la confiance dans les banques d’investissement.
Les banques d’investissement se doivent de restaurer leur réputation et ceci passe par l’affirmation –et le strict respect- de principes d’actions éthiques. C’est normalement une des tâches importantes post crise de leur top management qui doit s’y impliquer très fortement et montrer l’exemple.
C’est ce à quoi s’emploie Goldman Sachs dont la réputation a été ternie, notamment par l’affaire du CDO Abacus, assez symptomatique des conflits d’intérêts que peuvent rencontrer aujourd’hui les banques d’investissement.
Goldman Sachs avait montré l’exemple, il y’a 30 ans, en adoptant 14 «business principles», qui avaient été fortement réaffirmés en 1999, lors de son introduction en bourse. Ces business principles, qui étaient devenus le pont aux ânes de toute banque d’investissement, affirmaient le primat de l’intérêt du client («client first»), la vertu du travail d’équipe («teamwork»), l’impératif de transparence et d’intégrité.
Entretemps, le monde de la banque d’investissement a bien changé. C’est ce que souligne, de manière pertinente, une recherche américaine très récente, que l’on vient de nous signaler et que l’on trouvera en lien : SSRN-Computerization and the ABACUS: Reputation, Trust, and Fiduciary Duties in Investment Banking by Steven Davidoff, Alan Morrison, William Wilhelm .
Cette étude étudie les conflits d’intérêt que met en exergue une affaire comme Abacus et remet cette question dans une perspective historique. En effet, les banques d’investissement contemporaines n’ont plus grand-chose à voir avec celles qui existaient il y’a 30 ans.
Leurs activités étaient centrées sur les métiers de corporate finance et étaient "relationnelles" et tournées vers leurs clients, avec une forte fidélité réciproque. C’était des partnership et l’intérêt des partners, liés à vie à leur firme, reposait assez naturellement sur une approche et une vision de long terme.
Le monde a changé avec l’abandon du partnership et la cotation en bourse, les grands mercato qui en ont résulté, la montée du trading, qui est devenu absolument prépondérant, la globalisation et une culture qui est devenue plus "transactionnelle".
C’est ce que décrit bien l’étude en lien de Davidoff, Morrisson et Wihlelm.
Goldman Sachs, «la meilleure d’entre-elle», symbolise cette évolution, puisque, on le sait, les activités phares de corporate finance y sont devenues marginales, les traders ont pris le pouvoir après le départ de Hank Paulson, les activités de trading y représentant, comme dans le reste de l’industrie, 80% des revenus et encore plus des profits. A tel point que, ironiquement, on a souvent dit, que c’était devenu «un hedge fund déguisé en banque d’affaires».
C’est ce qui donne du prix à son initiative pour réaffirmer ses "business principles" sur « how the firm could reinforce its focus on clients and ethics ».
Après l’affaire Abacus, Goldman Sachs a constitué, en Mai 2010, un Comité interne destiné à redéfinir les « business practices » de la firme. Celui-ci vient d’achever ses travaux et vient d’émettre 39 recommandations, qui deviennent les nouvelles tables de la loi, adaptées au contexte actuel.
Les réflexions du Comité se sont focalisées sur 5 thèmes :
-la relation client
-la gestion des conflits d’intérêt
-la vente des produits structurés
-transparence et « disclosure »
-la gouvernance de ses sujets en interne
-la formation, développement personnel et la prise en compte de ces principes dans les évaluations individuelle des employés de la firme.
Pour mener ses travaux le Comité a utilisé un consultant indépendant qui a interrogé 200 de ses clients dans le monde.
Cette nouvelle approche va être mise en œuvre au plan mondial sous l’égide du top management de la firme. Les autres banques d’investissement seraient bien inspirées de suivre cet exemple. Tous ces principes vont normalement « sans dire », mais c’est beaucoup mieux en le disant dans ce qui sont aujourd’hui de grandes firmes, globalisées, et dont l’activité est devenue très codifiée. Formaliser ces principes a aussi le mérite de les rendre « opposables » aux employés et à la firme, et ne pas les respecter appelle, alors, naturellement, une sanction.
Au sein des banques d’investissement, les Département Compliance ont un rôle particulier à jouer pour promouvoir et contrôler l’éthique de la firme. Mais c’est avant tout l’affaire des managers et de leur «leadership» en la matière.
Une autre expression de la refondation des valeurs est le retour aux sources de la banque d’investissement que marque l’éclosion de «boutiques », formées par des investment bankers très confirmés, fonctionnant en Partnership, et désireux de promouvoir auprès de leur clients un rôle « d’advisor », pleinement disponible et libérés des conflits d’intérêt qui peuvent affecter les grandes banques d’investissement.
En lien:
-L'étude SSRN-Computerization and the ABACUS: Reputation, Trust, and Fiduciary Duties in Investment Banking by Steven Davidoff, Alan Morrison, William Wilhelm .
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1747647-Le "Business standarts committee report" de Goldman Sachs:
http://www2.goldmansachs.com/our-firm/business-standards-committee/report.pdf-Le rappel de l'affaire du CDO Abacus dans Wikipedia:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fabrice_Tourre